2007 Mars Compte rendu


Chaque réunion du groupe histoire de Larra apporte son lot d’émotion et aucune n’est semblable aux autres… Celle du mois de Mars se distingue par une remarquable conférence menée par notre ami Claude François qui a su, malgré le sujet très difficile, car il s’agissait de remémorer les circonstances du décès de chacun de nos Larrassiens tombés au champ d’honneur entre 1914 et 1918, apporter une dose intelligente d’humour pour dédramatiser l’intensité et l’horreur suscités par les faits et les images présentées…
Ainsi, le groupe d’historiens a pu vivre une grande soirée riche d’émotions, et surtout mesurer la qualité du travail et l’investissement de notre « Maître »conférencier !
Très émouvant également, la lecture par notre ami Jacques Sirven, d’extraits de lettres de soldats engagés au combat dont chaque phrases résonnent aujourd’hui comme un appel du plus profond de l’âme!
Le traditionnel pot de l’amitié qui clôturait cette réunion exhalait un intense parfum de compassion et de respect…


LARRA : ÉMOTION PARTAGÉE
Lors de l’inauguration de l’exposition sur le souvenir des guerres en France dans la salle des fêtes de Grenade, Michel Hastenteufel a suscité une très vive émotion parmi les présents, en présentant un film documentaire retraçant les actions du Maquis Roger de Grenade qui croise les actes du Maquis de l’Arsène de Thil et celui du Corps Franc Pommiès en forêt de Bouconne. Prises à Lias, Lévignac, Thil, Sainte Marie du Désert, Grenade, Bragayrac, les images ont évoqué de nombreux souvenirs et révélé de nombreux faits de courage, portés par les résistants du secteur, soutenus par les habitants. A la fin du film, les officiels et le public ont beaucoup applaudi. Guy Darmanin, président national de la Fnaca, Françoise Imbert, Jean Jacques Apine et d’autres se sont levés pour féliciter l’historien de Larra de son émouvant travail de mémoire.
Catherine Morzelle


Guy Darmanin (Président national de la FNACA) et Françoise Imbert (député) félicitant Michel Hastenteufel

CORRESPONDANCES de POILUS


jacques SIRVEN

€ Lettres de poilus €
« Ouvrons nos armoires, nos parents ont peut-être conservé des lettres du soldat de la grande guerre…
Plongeons nous dans leur lecture…
Ces lettres sont pleines de souffrance, de peur, de découragement, d’espérance mais aussi riches d’informations, d’anecdotes, d’humour parfois…
Elles nous font percevoir un aïeul dont on nous a parlé mais que nous n’avons généralement pas rencontré. Écrites au crayon de papier, d’une écriture souvent habile mais commençant à pâlir, elles évoquent certes la guerre et ses horreurs mais par leur questionnement, témoignent de l’intérêt pour l’épouse, les parents, les amis, les voisins, l’exploitation agricole, la vache qui va vêler, le sulfate qu’il faut acheter…
Voici quelques extraits tirés de plus de cent lettres écrites en 1918 à sa femme, à ses parents d’un agriculteur de 40 ans habitant Raygades, commune de Villematier, relatifs à la vie de soldat mais dont les passages les plus amers n’ont pas été retenus… »


3 janvier 1918 (en réserve)
« Je souffre six heures de temps… Dans les trous d’obus, dans la neige, c’est terrible, passer cinq jours sans se bouger. Il y en a beaucoup qui ont les pieds gelés et manger froid, vin et pain glacé et dire, le quatrième hiver, toujours les mêmes en première ligne… »
14 janvier (au fort de Douaumont…)
« Nous sommes ici pour une douzaine de jours… C’est une ville sous terre avec de grands tunnels éclairés par 3000 becs électriques, c’est beau à voir… Et on fait aussi une autre ville à 50 m de profondeur et pour extraire la pierre, tout marche à l’électricité… C’est beau à voir…
Ici, nous allons prendre le ravitaillement à 1800 m avec des wagonnets, ce n’est pas aussi pénible comme aller en première ligne. Ici c’est toujours la guerre, il y a des moments que ça barde mais, dans le fort, j’y tiendrais longtemps… »
15 février (aux environs de Verdun…)
« Oui j’en ai marre de la guerre, depuis bientôt quatre ans, et pas à l’arrière. Je vous dirai que nous changeons souvent de linge et même les totos nous dévorent! »
19 février (du cantonnement…)
« l’autre jour, à quarante mètres de nous un obus a tué deux chevaux… Et le soir, on les a fait cuire au braséro. On les avait attachés avec du fil de fer et au bout d’un bâton. Tu aurais ri de nous voir faire, il était bien bon, car le cheval était joli, mais tu en aurais pas mangé. J’en ai pris deux morceaux qui ne m’ont pas dérangé…
Hier, j’ai été voir au champ d’aviation. Si j’avais eu une permission du Commandant, ils me prenaient pour voler pendant 10 minutes. Si nous n’étions pas partis le lendemain, j’y revenais… »
23 mai (d’en réserve, environs de Verdun…)
Jamais vous ne pourrez vous faire une idée des souffrances que j’ai endurées, sans compter que c’est malheureux d’avoir tout le temps la vie exposée… »
28 mai
« Nous avons un temps splendide, aussi le canon tonne… »
1er juin (d’en première ligne…)
« Avant de monter en ligne, on a bu quelques bouteilles de vin vieux. Que voulez vous, quand nous pouvons, nous faisons bien… »
3 juin (d’en réserve…)
« Nous venons de déjeuner en musique. Heureusement que nous avons un assez bon abri…
Je puis bien remercier le bon Dieu et la sainte Vierge de m’avoir préservé de tout danger car j’y suis passé souvent de près, c’est terrible la guerre, vous ne pouvez pas vous en faire une idée… »
29 juillet (d’en 2ème ligne…)« Vous me dites d’être prudent, vous n’avez pas besoin de me le recommander, mais quelquefois, malgré la prudence… »
6 août (au repos à 3 km de Couloumiers…)
« Après 14 jours de combat, on commence à en avoir assez aussi, chaque jours on reçoit des félicitations, c’est la paix qui m’intéresserait d’avantage… »
11 Novembre (de Carlepont…)
« J’ai resté 7 mois sans aller en permission, j’espère que cette fois ci, ce ne sera pas pareil, ce sera pour de bon.
Car hier au soir à huit heures, nous avons appris l’armistice. Quelle joie pour nous après 52 mois de souffrances et de misères. On peut nous appeler les malheureux. Si vous aviez vu ça, ça chantait dans les rues, on a allumé des feux, ça tirait des coups de fusil, enfin on en pleurait de joie. Quelle belle journée pour nous. C’était temps pour nous car l’hiver arrive à grand pas.
Je puis bien remercier le bon Dieu et la Sainte Vierge de m’avoir protégé de tout danger et je ne désespère pas sans maladie et d’être là pour vous aider à tailler la vigne…»
18 novembre (en déplacement…)« Quelle joie vous avez éprouvé par le son des cloches… L’armistice, c’est un des plus beau jour de ma vie, jour inoubliable. Sur un cahier, je veux mettre toute ma campagne que je recopierai sur une grande feuille et je ferais mettre un cadre, quand ça me reviendrai à plus de 50 francs et je le mettrai dans la salle à manger… »
30 novembre (de Verberie…)
Aux environs d’Ici, il s’est passé une drôle d’affaire: il y avait une femme qui n’avait pas des nouvelles de son mari depuis plus de trois ans et elle a épousé un autre, et, ces jours ci il est arrivé comme prisonnier et maintenant elle se trouve avec 2 maris… Elle pourra choisir… »

MONUMENT aux MORTS

(Claude FRANÇOIS)
Tombés au champ d’honneur :
« Les enfants de LARRA… »
« Novembre 2006 a consacré le 88ème anniversaire de la fin de la Der des Der…
Sur le monument dédié à l’hécatombe locale figurent, notamment, 18 noms de citoyens morts pour la Patrie, selon la formule consacrée.
Nos dix huit bonshommes ont fait partie des 8 millions de soldats que la France (et ses colonies) a rameuté durant le conflit. Tous n’y ont pas été présents en même temps, mais on estime à 2 millions le nombre de français postés quotidiennement face à nos ennemis d’alors.
Nos mêmes dix huit bonshommes font aussi partie des 1300000 morts français de cette guerre, décédés au combat ou des suites de leurs blessures ou encore disparus… »
Après ce préambule, Claude FRANÇOIS nous présente un montage vidéo personnel qu’il commente directement pour expliquer dans le détail tous les facteurs qui ont engendré le conflit, sans oublier de nous faire découvrir les conditions extrêmes de la vie de soldat dans les tranchées ou au cantonnement…
Il réussit, par sa verve et les images choisies, à captiver l’auditoire et à faire partager une intense émotion.
Enfin, il en arrive à nous faire part du résultat de ses recherches sur les 18 victimes de LARRA. Chaque fiche individuelle sera commentée et expliquée notamment grâce aux portraits photographiques et des images des régiments de chacun ainsi que des lieux où ils ont péri au combat!
Les fiches militaires nous renseignent sur l’identité de ces hommes, leur régiment et les causes de leur décès:


Il nous a paru utile de publier un extrait concernant les circonstances du décès du Lieutenant Louis Marie FLOTTES de POUZOLS dont la famille, bien connue pour sa générosité envers la paroisse, résidait au château de Landery à LARRA.
Il est décédé le 29/08/1916 suite à ses blessures de guerre à bord d’un navire: le Duguay-Trouin. Afin de mieux appréhender le drame que vivaient ces hommes, écoutons le récit de l’aspirant BERTRAND :
«1er août 1914, Tunis – Aujourd’hui, ordre de mobilisation générale, partout des affiches de mobilisation, blanches avec deux drapeaux tricolores entrecroisés, imprimées en caractères noirs, il y a aussi des affiches de réquisition.
5 août – Départ du 4ème Régiment de Zouaves et du 4ème Régiment de Chasseurs d’Afrique. Dans les rues c’est l’enthousiasme, tout le monde chante des chants patriotiques.
La discipline est terrible, il y a sans cesse des revues de toutes sortes. Les gradés de l’arrière font preuve de tous les courages. Déjà on voit apparaître les embusqués. Les manœuvres, service en campagne, marches d’épreuve, récitation de la théorie, brimades sont le pain quotidien. Le chargement pour les marches, même pour un caporal, atteint parfois trente kilos.
25 avril – Le débarquement aux Dardanelles a eu lieu à Sedd ul Bahr, sur la cote d’Europe du Détroit. C’est presque un désastre, les pertes sont énormes.
20 mai, sur le Paul Lecat – Nous sommes à bord du Paul Lecat, paquebot des Messageries Maritimes et c’est aujourd’hui l’appareillage. Il y a 1 800 hommes de renfort pour le corps expéditionnaire tant de la Légion Étrangère que des quatre régiments de Zouaves d’Afrique du Nord.
27 mai , transfert sur des dragueurs de mines. Nous embarquons sur le « Charrue », en route pour la plage de Sedd ul Bahr. Dès la sortie de Sedd ul Bahr l’odeur du cadavre prend à la gorge, partout des croix de bois, des débris de toutes sortes: armes, vêtements, choses informes qui prennent des aspects étranges…
6 juin : Blessé …
Tard dans la matinée, deux infirmiers me déposent sur une civière et me transportent aux appontements puis à bord du chalutier « Furet » qui m’amène au navire-hôpital «Tchad», paquebot des Messageries Réunies, dont le chargement est commencé ! Chaque navire-hôpital ne part que lorsqu’il a fait le plein. Le «Canada» est parti hier au soir pour Bizerte. Le «Tchad » lui, se rendra à Alexandrie
A bord de ce navire-hôpital les humains meurent vite, il n’y a, paraît-il, que deux médecins capables d’opérer. Le matériel opératoire manque ainsi que les médicaments indispensables.
Mon infirmier Alphonse dit qu’il y a à bord un chargement de barres de fer pour lester les morts avant immersion, et que le matin de très bonne heure on peut entendre les « ploufs » des corps des morts de la veille qui sont jetés à la mer
La mer est mauvaise et l’embarquement des blessés d’aujourd’hui est difficile, il faut utiliser le treuil.
10 juin – 13 heures, encore de nombreux blessés embarqués, et le bruit court que le « Tchad » va être remplacé par le «Duguay-Trouin». 18 heures, le «Duguay-Trouin» est arrivé, il s’est mouillé à coté de nous. Une heure après c’est enfin notre appareillage, nous quittons l’enfer ! Au hublot, avec mon camarade de cabine, nous saluons une dernière fois ce «mouroir».
19 juin – arrivée à Alexandrie ; Je suis le seul rescapé des quatre aspirants partis sur la «Paul Lecat». Je pense à leurs parents qui ne pourront jamais aller sur leurs tombes…»